Stage Voix mixtes, 18 au 23 juillet 2021.
Ce pourrait être le début d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe.
S’être réveillé loin de chez soi, après on ne sait quelle maléfique intervention, quel sortilège. Avoir erré des heures, des nuits, des mois peut être. Sentir le contact d’une terre déjà foulée, peut être son souvenir, quelque chose qui ferait taire la terreur de se croire perdu. Avoir aperçu la lueur de la lampe restée allumée, des heures, des nuits, des mois peut être. Se persuader de cette possible aurore. Retrouver des odeurs, des ombres, des horizons familiers et fuyants, des sensations reléguées à l’oubli, à la perte et au deuil. Hésiter, savoir être revenu et la raison hagarde laisser l’instinct reconstruire des traces. Peu à peu sortir de ce coma indescriptible, si peu probable et si proche, se laisser happer par la soif et la faim, par ce qui tout à la fois la suscite et la comble. Lentement reprendre sens, vouloir et se laisser porter, s’abandonner, ne pas perdre pied à nouveau.
Mais la lueur se fait plus forte, les voix tissant la toile des jours, patiemment, redonnent corps au ciel où se trament les horizons nouveaux. Le corps retrouve son enveloppe, la voix s’y plonge et s’en nourrit, les mélodies appellent à d’autres chants. Presque effacés par la grimace ouatée des masques, protecteurs tout autant que geôliers, les sourires affleurent aux regards, les gestes alourdis par la distance s’essayent à la complicité. Une pâle humanité se reforme, étonnée d’elle-même, surprise et taisant toute crainte, comme connaissant la fragilité de ce charme. Lentement la pulsation propre à ce qu’est un chœur s’essaye à revivre. Lentement quatre volontés redonnent frémissement à ce qui hier encore tremblait, parole à ce qui s’était tu.
Comme symboliquement c’est à l’abri d’une ruine luttant contre l’oubli que les voix ont retrouvé enfin le chemin de ce qui fait chant, celui du don fait aux visiteurs occasionnels de la musique partagée. De la volupté secrète née de cette vibration commune, de cet abandon aux confins de la vie.
Ce pourrait être la fin d’un roman d’Anna Gavalda, toute en promesse de courses nouvelles. La promesse que rien jamais n’est durablement fini.
Texte : Henri CLAVE
Photos : Alex OVERTON